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L'UE doit veiller à faire respecter la liberté religieuse dans le monde



L’Union européenne néglige sa diplomatie religieuse au moment même où la liberté de religion est bafouée par de nombreux Etats. Une relance à l’occasion de la PFUE servirait les intérêts de l’ensemble des Etats membres de l’UE, à commencer par la France.


En cette période de Noël, des communautés chrétiennes vivent leur religion dans la peur. Elles ne sont pas les seules. Appartenir à une minorité religieuse est un défi quotidien dans de nombreux pays. Face à ces périls, l'Union européenne s'est dotée d'une politique de promotion de la liberté de religion et de conviction incarnée par un «envoyé spécial». Mais le poste est à nouveau vacant depuis septembre 2021. La fonction n'avait cessé d'être remise en cause ces dernières années alors que la liberté de religion reculait partout dans le monde. Dans ce contexte, la présidence française de l'Union européenne (PFUE) est une occasion unique à saisir pour œuvrer à la relance et au renforcement de la diplomatie religieuse européenne.


Il y a urgence à défendre la liberté de religion


La pleine liberté d'opinion religieuse est un droit fondamental, consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme et réaffirmé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette liberté, qui comprend, outre la liberté de culte, la liberté de se réclamer d'une religion ou d'une conviction, de ne pas en avoir, d'en changer ou d'y renoncer, est bafouée par beaucoup d'États, y compris signataires du Pacte.


La liberté de religion est de plus en plus menacée à travers le monde. Selon le rapport 2021 de la fondation catholique Aide à l'Église en détresse , portant sur 196 pays, les violations du droit à la liberté religieuse augmentent depuis 2018. Bafouée dans un pays sur cinq il y a trois ans, cette liberté fondamentale le serait aujourd'hui dans un pays sur trois. De nombreuses minorités religieuses (chrétiennes, musulmanes, bouddhistes et hindouistes) au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie sont ainsi menacées. Les Ouïghours, les Rohingyas et les Chrétiens d'Orient en sont les premières victimes.


Mais l'engagement européen décline


Le rôle de l'envoyé spécial pour la liberté de religion et de conviction est donc indispensable car il est le vecteur du dialogue avec les autorités nationales et les autres parties prenantes dans les pays souffrant de discrimination fondée sur la religion ou les convictions. Sa mission consiste à soutenir le dialogue interculturel et interreligieux, notamment en encourageant les échanges entre les représentants des différentes confessions et la mise en place d'initiatives communes. La déradicalisation et la prévention de l'extrémisme fondé sur la religion ou les convictions dans les pays tiers sont des objectifs clairement définis dans sa feuille de route. Enfin, il est chargé de la coopération avec les autorités des pays tiers, en particulier la promotion de la diversité religieuse et la tolérance dans le cadre éducatif. En résumé, il est un ambassadeur de l'Union au service de la paix.


Son mandat avait été créé en février 2016 en réaction aux massacres des minorités religieuses perpétrés par Daech. Occupé de 2016 à 2019 puis supprimé en juin 2020, le poste a fini par être renouvelé par la Commission, sous la pression d'ONG et de parlementaires, mais il est resté vacant pendant près d'un an et demi. Rebelote donc aujourd'hui ! Pourtant, le Conseil des affaires étrangères avait adopté dès 2013 les lignes directrices de l'Union sur la liberté de religion ou de conviction. Et le travail de l'ancien envoyé spécial, Jan FIGEL, avait été largement salué, notamment pour son rôle dans la libération d'Asia BIBI…


Une diplomatie religieuse pour agir


L'Europe suscite aujourd'hui l'incompréhension d'une vaste partie du monde. Sa conception de la liberté religieuse, de la liberté d'expression, de la liberté de blasphémer et de caricaturer est souvent mal perçue. Ces dernières années, la France a été au cœur de ce quiproquo. Notre pays a donc tout intérêt à renforcer la diplomatie religieuse européenne. C'est d'autant plus vrai que le «pôle religieux» du Ministère des Affaires étrangères n'existe plus.


Depuis l'automne 2020, la republication des caricatures du prophète Mahomet par Charlie Hebdo a ravivé le débat dans le monde musulman. Dans un tel moment, le discours du Président de la République en hommage au professeur Samuel PATY a été mal reçu. Ses propos ont suscité de vives réactions, notamment des manifestations, des appels au boycott des produits français, mais aussi des déclarations incendiaires de plusieurs dirigeants dont le président turc Recep Tayyip ERDOGAN, ainsi que le Premier ministre pakistanais, Imran KHAN, qui accuse alors le président français d'«attaquer l'islam». Cette affaire a dégradé la réputation de la France auprès de certains pays et porté atteinte à la collaboration entre les majorités tolérantes et pacifiques des populations musulmanes et non musulmanes à travers le monde.


Cette problématique est par essence européenne car elle est constitutive de notre identité aux yeux du monde. Pour contribuer à apaiser les tensions religieuses, l'Europe doit déployer une stratégie de dialogue interreligieux, en expliquant la laïcité et le droit au blasphème, ainsi qu'en défendant plus ardemment les minorités religieuses persécutées.


Alors que prospère le fléau de l'intégrisme religieux, le monde a besoin d'une meilleure compréhension mutuelle qui passe par l'éducation et la pédagogie. Cette évidence doit devenir une priorité pour la diplomatie européenne. Promouvoir la liberté d'opinion religieuse en prenant des initiatives plus cohérentes et plus visibles permettrait à l'Europe de participer activement à un enjeu crucial pour la paix, tout en diffusant ses valeurs et en améliorant son image. L'Europe en a les moyens, il ne lui manque plus que la volonté. Une diplomatie religieuse ambitieuse peut être un pilier d'une «politique de civilisation», seule à même de conquérir les cœurs et les esprits des Européens et au-delà. La PFUE saura-t-elle opportunément saisir l'occasion de cette nécessaire relance ?


Vincent BERTHIOT

Délégué général et co-fondateur du Club France Initiative.

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