Lors de notre dernier débat "perspectives 2023 pour l’influence française", le chercheur Antoine BONDAZ a développé le fait que "pour renforcer notre influence, il faut démocratiser notre diplomatie et être plus présent au niveau des sociétés civiles". Cette idée est au cœur du projet du Club France Initiative.
L’opinion publique, cible prioritaire
Force est de constater que notre diplomatie continue de reposer sur la relation d’Etat à Etat. Si cette relation est nécessaire au travail diplomatique, elle n’est plus suffisante. Les diplomates doivent désormais utiliser tous les canaux modernes pour parler à tout le monde, y compris les opinions publiques et les sociétés civiles. Alors où en est notre "diplomatie publique" ? Et bien, elle a fait des progrès.
D’abord, le Ministère a pris officiellement acte des enjeux de l’influence en publiant en décembre 2021 une Feuille de route de l’influence. Si le Club France Initiative regretta alors le manque d’approche globale, trop centrée sur la diplomatie culturelle, il saluait la démarche. Celle-ci fixe un objectif très ambitieux : "faire vivre au présent le modèle français et européen, et lui donner un rôle dans la construction du nouvel humanisme dont le XXIe siècle a besoin". A cette fin, le ministère s'est réorganisé, en créant une direction de la diplomatie d’influence chargée du pilotage stratégique de l’action de coopération et d’action culturelle de la France. Une nouvelle sous-direction de la veille et de la stratégie a aussi été mandatée pour conduire la réponse française aux défis informationnels. Enfin, un ambassadeur a été chargé de la diplomatie publique en Afrique, en complémentarité du travail mené depuis plusieurs années par un ambassadeur dédié au numérique chargé de promouvoir nos valeurs et notre culture dans le monde numérique. A cela, il faut signaler la nomination d’une nouvelle directrice de la communication et porte-parole qui réalise un travail remarquable en faisant entrer le Quai d’Orsay dans l’ère des réseaux sociaux, des podcasts et des chaînes d’info en continu.
Malgré tout, la France subit, trop. Dans son discours aux Ambassadeurs, le 1er septembre 2022, le Président de la République exhortait les diplomates à être "plus réactifs" sur les réseaux sociaux pour mieux riposter aux attaques, notamment en Afrique subsaharienne francophone.
Stop à l’élitisme !
A l’international, qu’il s’agisse d’éducation, de culture voire de gastro-diplomatie, nos actions s'adressent souvent aux élites. A l'opinion "qui compte" plus qu'à l'opinion "qui se compte". En la matière, nous avons grand besoin d’une "jacklanguisation" des esprits.
Quand nous adressons-nous aux classes moyennes et populaires des pays étrangers ? Il est temps de mettre en œuvre des programmations plus accessibles, de nous appuyer sur des secteurs plus populaires comme le sport. Comment utiliserons-nous les Jeux Olympiques de Paris 2024 comme un véritable levier d’influence ? En novembre 2021, le CFI publiait 10 propositions. Cette question reste en suspend, en particulier sur la façon dont nous déploierons notre influence via le sport et sur la manière dont nous envisageons de capitaliser dans la durée sur l’un des plus grands évènements mondiaux.
Les sociétés civiles doivent devenir une cible prioritaire de notre action à l’étranger. Dans l’environnement très concurrentiel de notre époque, quelle histoire voulons-nous raconter ? Qu’est-ce que la France peut et veut offrir ? Quelle vision et quel meilleur futur propose-t-elle ? Comment construire la réputation de notre pays auprès des prochaines générations ? En toute humilité, nos réflexions, nos débats, nos notes essaient de défricher des pistes de solutions.
Les Français de l’étranger au cœur de notre influence
Dans son discours aux ambassadeurs en 2019, le Président demandait aux chefs de poste d’associer pleinement les communautés françaises à l’étranger. "Elles sont une richesse, une force. Les Françaises et les Français de l’étranger sont un atout pour notre pays. Ils doivent participer pleinement de ce nouveau rayonnement de la France".
Force est de constater que ce message a été trop peu entendu. D’ailleurs, la feuille de route de l’influence de 2021 avait réussi à les oublier… Crève-cœur pour le CFI, il est pourtant mentionné dans le programme scolaire de géographie de la classe de 3ème, au chapitre "la France dans le monde", que le socle de connaissance doit comprendre outre la francophonie, "la présence des Français à l’étranger qui assurent à la France un rayonnement politique et culturel à l’échelle du monde".
Comment se passer de la richesse de ces 3 millions de Français aux profils souvent remarquables, toujours remarqués pour leur audace et qui sont des ponts jetés entre deux mondes ? Depuis sa création, le CFI propose que l’on systématise au sein des postes les cartographies de FDE par thématiques et que l’on fasse un travail sur le long terme pour les associer au projet d’influence de la France. A n’en pas douter, ça serait un "game changer" !
Parler aux classes moyennes
La Revue Nationale Stratégique annonce la mise en œuvre d’une stratégie globale d’influence. C’est une excellente nouvelle !
Le CFI appelle de ses vœux que les "classes moyennes" soient au cœur de cette stratégie aussi bien à l’international qu’en France. D’une part, parce que notre influence sera renforcée si notre pays est plus fort à l’intérieur, en expliquant mieux aux Français les enjeux et les conséquences positives de l’action internationale du pays au service de l’intérêt national.
D’autre part, parce que notre influence sera renforcée si nous parvenons à conquérir les cœurs et les esprits des citoyens à l’étranger. Tant de choix publics dépendent des enjeux internationaux. Il est donc absolument nécessaire de démocratiser notre diplomatie à tous les niveaux et de faire de notre influence, enfin, un outil de conquête.
Vincent BERTHIOT
Délégué général du Club France Initiative
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