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Tourisme : une perte sèche pour l’influence de la France


La fréquentation du musée le plus visité au monde a chuté de 75% en juillet & 60% en août 2020 par rapport à 2019
La fréquentation du musée le plus visité au monde a chuté de 75% en juillet & 60% en août 2020 par rapport à 2019

Le secteur du tourisme est clef pour l’économie française. A lui seul, il représente plus de 7% du PIB national et plusieurs millions d’emplois non délocalisables. Il est tout simplement le premier secteur économique de services de l’Hexagone.


Mais le tourisme est bien plus que cela pour la France car il est aussi le produit d’appel de la marque "France". Plusieurs études de marché montrent que la destination France est la plus désirée au monde par les touristes de tous les continents. La France et Paris sont les destinations les plus citées lorsque l’on pose la question du « voyage d’une vie ». Notre pays est d’ailleurs la première destination touristique mondiale en nombre d’arrivées internationales.


Le tourisme est donc un imaginaire d’influence pour la France. Or on associe une destination avec une culture, des valeurs, des paysages, du patrimoine, des réalisations artistiques, des savoir-faire et des produits. En ce sens, la chute du tourisme mondial est une perte sèche pour l’influence mondiale de notre pays.


Un désastre économique et social


La consommation touristique a fortement chuté depuis le début de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Selon la Banque de France, les recettes touristiques internationales de la France ont été de 12,3 milliards d'euros au premier semestre 2020 contre 25,5 milliards d'euros de janvier à juin 2019, soit une perte de 13,2 milliards d'euros (-51,9%). D'après les premières estimations d'Atout France, les pertes potentielles de recettes touristiques globales pour l'année sont estimées entre 50 et 60 milliards d'euros, soit une baisse comprise entre 30 et 35 % de la consommation touristique annuelle.


Les évolutions de la pandémie, la faiblesse du tourisme d'affaires et des groupes, et les conditions de mobilité internationale sont préoccupants alors qu'approche l'arrière-saison et que les prochaines semaines seront stratégiques pour la bonne préparation des hautes saisons pour les stations de sports d'hiver et pour les destinations outre-mer.


Au niveau mondial, pas moins de 100 millions d’emplois directs seraient menacés selon l’ONU. Selon cette même perspective, les recettes d’exportation du tourisme mondial pourrait réduire le PIB mondial de 2,8%. A la lecture de ces chiffres, on comprend bien que la déflagration ira bien au-delà du seul secteur touristique. A cela, il faut ajouter que ce sont les travailleurs les plus vulnérables et les pays les plus dépendants à cette activité – généralement aussi les plus pauvres qui seront les plus affaiblies. Mais les régions les plus riches le seront également. En Île-de-France, dans l'événementiel et l’hôtellerie, les professionnels annoncent des pertes d’activité de l’ordre de 70 à 90%.


Les Français à l’étranger, lourdement touchés


Très nombreux sont les entrepreneurs français à l’étranger et les Français à l’étranger qui travaillent dans le secteur du tourisme, soit directement en tant qu’hôtelier, agent de voyage, guide soit indirectement en tant que restaurateur, traiteur, organisateur d'événement … Les résultats d’un récent questionnaire d’une association d’expatriés indiquait que plus de 15% des répondants exerçaient une activité dans le tourisme ou la restauration. Les retours de terrain que nous avons au sein du Club France Initiative nous le confirment. Or tous ces acteurs donnent l’envie de France dans leurs pays de résidence, distribuent des produits français et suscitent l’intérêt et la curiosité pour notre pays. Ils sont tous des acteurs éminents de l’influence française dans le monde.


La crise du tourisme mondial fait en ce moment même disparaître une partie d’entre eux et fragilise tous les autres. Pour l’instant, personne ne réfléchit aux conséquences sur le moyen / long terme pour notre attractivité. Aux belles histoires devenues dramatiques, il faut ajouter les déboires des mastodontes nationaux : nos groupes hôteliers, notre compagnie aérienne « nationale », les sociétés de transports internationales, etc. cette crise laissera des traces indélébiles.


Enfin, le savoir-faire français dans les métiers de l’hôtellerie-restauration et de l’accueil est particulièrement apprécié aux quatre coins du monde. Nul doute que la fragilisation de nos entrepreneurs du tourisme sera là aussi une perte sèche pour notre influence dans ce domaine.


Faire du tourisme un levier de notre influence


Alors qu’il est une pièce maîtresse de l’image de la France dans le monde et un moteur économique puissant, le tourisme est largement sous-estimé et mal aimé dans notre pays, aussi bien par les Français eux-mêmes que par les politiques et les administrations. Il a fallu attendre l’arrivée de Laurent FABIUS au Quai d’Orsay pour que le tourisme soit enfin porté par un politique d’envergure et qu’il soit associé aux enjeux diplomatiques de la France. Celui-ci reste d’ailleurs au sein du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères encore aujourd’hui, ce qui est une bonne chose.


Dimension inhérente au soft power, le tourisme est une plateforme de projection à l’international, en tant que culture, société, identité et système de valeurs. Dans les années 2010, Barack OBAMA ne s’y était pas trompé et avait fait du tourisme une priorité pour les Etats-Unis avec un objectif simple : devenir la première destination touristique mondiale. Cette stratégie comptait deux volets. Tout d’abord, renforcer l’économie et l’emploi, ce qui fût une réussite puisque « l’Amérique » est devenu première destination touristique mondiale en matière de recettes. Deuxièmement, renforcer le soft power américain en particulier vis-à-vis des pays asiatiques et émergents.


La morale de cette histoire, c’est que si le soft power génère de l’empathie et un pouvoir de séduction dans une logique de compétition mondiale, la crise de la Covid-19 et ses conséquences nous amènerons, espérons-le, à repenser la place du tourisme dans notre pays et au sein de notre appareil d’influence.


Vincent BERTHIOT, co-fondateur du Club France Initiative

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