Qui êtes-vous ?
Je suis un nomade, curieux, explorateur. J’ai quitté la France en 1977. Depuis mon départ, je suis rentré chaque année, toujours avec plaisir pour ce qu’est la France, mais jamais sans m’interroger sur certaines impressions : immobilisme, arrogance et souvent ignorance sur l’ailleurs alors que mon expérience de vie à l’étranger m’apportait l’impression d’un mouvement, au-delà de l’hexagone, plus rapide, plus agile et parfois plus serein.
J’ai été cadre exécutif d’un grand groupe international anglo-saxon. J’y ai beaucoup appris, en particulier la férocité de la compétition, mais aussi la richesse de la diversité pour mieux décider et mieux mettre en œuvre. Le travail avec d’autres cultures aussi riches que la nôtre, avec des clients qui sont des États, ainsi qu’avec des contracteurs et des employés, citoyens de ces États, impose la modestie. Ce fût un privilège de participer sur plusieurs continents à la grande aventure de l’énergie et d’être un acteur au cœur des enjeux géostratégiques.
Je m’étais préparé, avant le JCPOA entre l’Iran et le G5+1 [NDLR : l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien] à investir personnellement dans ce pays, le moment venu. Le moment ne vint pas et nul ne sait s’il viendra bientôt.
La vie d’expatrié n’est pas un long fleuve tranquille pour privilégiés, comme d’aucuns le pensent parfois. C’est un choix, parfois, et les défis ne sont pas toujours surmontés. Lorsqu’ils le sont, ce n’est jamais sans efforts. L’État-providence est bien loin. L’expatrié est isolé.
Quel sont vos principaux projets à court et moyen terme ?
Je suis depuis 2014 Vice-président du Conseil consulaire pour l’Asie centrale. Pour un nomade plutôt habitué à l’environnement anglo-saxon, servir nos concitoyens en émettant des avis sur des questions consulaires et d’intérêt général en lien étroit avec nos ambassades et nos consulats est un honneur et une expérience passionnante ! C’est aussi l’occasion de partager des expériences et des angles de vues différents. J’achèverai mon mandat en 2021.
Ensuite, je continuerai d’apprendre et je prendrai le temps d’écrire. J’ai résidé dans 12 pays et mon chemin professionnel en couvre une trentaine. Le partage d’expérience à travers les cultures et les générations, continue à être pour moi une source d’épanouissement. Je continuerai à militer pour un monde ouvert, curieux, divers, libre et tolérant dans un écosystème où les “prédateurs” seraient maîtrisés.
Je consacrerai aussi du temps à tout ce qui permet d’élargir son cadre d’observation et de réflexion. Je suis par exemple assidûment les leçons du Collège de France en histoire, philosophie et anthropologie.
Pourquoi avoir choisi l’Iran ?
Je me suis installé en Iran pour présider les filiales de mon groupe. Je devais y gérer l’investissement de plusieurs milliards d’euros, plus que tous nos compétiteurs, et créer un réseau d’interdépendances énergétiques contributeur de paix. Un défi exaltant !
J’ai trouvé en Iran les couleurs derrière le noir, une vie simple et riche, au rythme des saisons, dans une société complexe, une symbiose improbable entre l’Est et l’Ouest.
Géologue, venant alors de Chine, comment ne pas passer par là et y rester pour vivre la poursuite des contes ... ?
La France pourrait-elle mieux rayonner dans la région ?
J’évoquerai 3 sujets. D’abord, la souveraineté. Les grandes sociétés européennes et françaises ont fait acte d’allégeance au “suzerain américain”. Vu les circonstances, elles ont probablement eu raison. La France pourrait regagner de l’autonomie et des marges de manoeuvre dans le cadre d’une démarche européenne. Nous y gagnerions de la crédibilité et pourrions maximiser nos positions en Iran au moment opportun.
Ensuite, le double langage. La France contribue au déséquilibre des investissements militaires qui existe entre les deux riverains du golfe arabo-persique. Et elle leur prodigue des leçons de droits de l’homme à géométrie variable. Ce “deux poids, deux mesures” complique la position de la France en Asie centrale au moment même où la région a vocation à être le point d’équilibre entre la Chine et les Etats-Unis.
Enfin, la diplomatie économique. Un très beau discours sur la diplomatie économique a été fait en 2013 par notre ancien Ministre des affaires étrangères Laurent FABIUS. Un DRH aurait pu s’attendre à un changement d’équipe en Iran et dans la région. Mais celui-ci n’aura pas lieu ... Pourtant, nous ne dynamiserons pas nos succès commerciaux sans améliorer l’accompagnement des TPE-PME. Je crois qu’il faut notamment utiliser davantage le réseau agile et expérimenté des Français en mobilité internationale pour stimuler et développer notre présence à l’étranger.
Je crois aussi que la France et l’Europe auraient intérêt à dupliquer le pacte réussi charbon / acier en initiant un investissement régional massif pour l’interconnexion gaz / électricité / eau. La créativité de la jeunesse iranienne dans les secteurs de l’informatique et du théâtre mériterait enfin d’être soutenue dans le cadre d’une coopération culturelle renforcée avec ce pays à la civilisation millénaire.
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